Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

nicolas sarkozy - Page 2

  • La cause du peuple...

    Les éditions Perrin viennent de publier La cause du peuple, l'ouvrage attendu (ou redouté...) du journaliste et historien Patrick Buisson, qui se veut l'histoire de la présidence Sarkozy par un homme qui l'a vécue aux premières loges. C'est un livre saisissant,  qui mêle chronique acide du quinquennat et réflexions de haute volée sur le politique, dans lequel le lecteur peut, par exemple, passer en l'espace d'une page du commentaire d'un échange entre Carl Schmitt et Ernst Jünger à la description mordante d'une discussion à propos de Bienvenue chez les Ch'ti à l'occasion d'un repas à l'Elysée réunissant, outre le président et son épouse Carla Bruni, l'acteur Jean Reno, Christine Ockrent, Bernard Kouchner et l'auteur... C'est fort, profond, superbement écrit et parfois, il faut bien le reconnaitre, d'une férocité réjouissante. Et la droite de gouvernement en sort carbonisée...A lire absolument !

    Cause du peuple_Buisson.jpg

    " Pourquoi, depuis quarante ans, la France traverse-t-elle une crise politique, sociale et morale sans précédent ? Comment sont advenus le règne de l'idéologie, le déni du réel, la trahison du peuple par les élites ? Et nous faut-il nous résigner au déclin ?
    Pour répondre à ces questions cardinales et découvrir le pouvoir de l'intérieur, voici le livre tant attendu de Patrick Buisson, le conseiller privilégié et controversé de Nicolas Sarkozy à la présidence de la République. Une chronique riche en révélations parfois cruelles et souvent cocasses sur les coulisses de l'Elysée. Une analyse aiguë, puisant dans l'histoire, chez Saint-Simon et Tocqueville comme chez Péguy et Bernanos, des contresens et des dérives de la classe dirigeante actuelle. Un appel fort, enfin, à une grande politique conservatrice de droite renouant avec le catholicisme social.
    Témoignage capital sur la déliquescence du pouvoir et contribution majeure au débat public, ce livre, où fond et forme se conjuguent, ne laissera personne indifférent. "

    Lien permanent Catégories : Livres 0 commentaire Pin it!
  • Après la polémique...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Mathieu Bock-Côté, cueilli sur Figaro Vox et consacré au livre de Patrick buisson, La cause du peuple (Perrin, 2016). Québécois, l'auteur est sociologue et chroniqueur à Radio-Canada et est déjà l'auteur de plusieurs essais. Il vient de publier en France Le multiculturalisme comme religion politique aux éditions du Cerf.

     

    Buisson_Cause du peuple.jpg

    Après la polémique, ce qui restera du livre de Patrick Buisson

    «Un brulot». Un «livre à charge». Un «règlement de comptes», ajoutèrent certains. C'est ainsi qu'on a accueilli La cause du peuple (Perrin, 2016), le dernier livre de Patrick Buisson, en prenant bien la peine de rappeler, comme à l'habitude, tout son parcours idéologique, comme s'il fallait mettre en garde le commun des lecteurs contre lui. Ces mises en garde faites, on a tout fait pour réduire cet ouvrage à une compilation de confidences et d'indiscrétions, comme s'il se livrait à la manière d'un petit tas de secret sur la Sarkozie. En gros, ce serait un livre de ragots. Comment ne pas voir là une autre preuve que la plupart du temps, les journalistes ne lisent pas vraiment les livres dont ils parlent? Ou s'ils les ont lu, qu'ils se fichent bien de l'essentiel. Ou alors, peut-être ont-ils décidé d'enterrer celui qu'on veut à tout prix faire passer pour un mauvais génie? Chose certaine, ils ne se sont pas intéressés à l'analyse de notre situation historique que Buisson a pris la peine d'élaborer sur plus de 400 pages, avec un bonheur d'écriture indéniable: on se contentera d'y coller une sale petite étiquette radioactive pour en faire un infréquentable personnage. Le vrai pouvoir de la gauche médiatique, c'est de décerner des certificats de respectabilité auxquels on prête encore de la valeur.

    Et c'est dommage. Très dommage. Car La cause du peuple est probablement un des livres les plus importants paru ces dernières années - j'ajouterais, un des plus passionnants. Si Buisson joue à sa manière le rôle du chroniqueur des années Sarkozy, qu'il a accompagné de 2005 à 2012 en voulant en faire le héraut de la France telle qu'il se l'imagine, il nous propose surtout, dans cet ouvrage, une puissante analyse de notre temps. Il croise la psychologie politique, la philosophie politique et l'anthropologie politique et son regard va très en profondeur. Il s'agit de faire un portrait de l'époque à travers la présidence d'un homme qu'il aurait souhaité frappé par la «grâce d'État» mais qui n'est jamais vraiment parvenu à faire quelque chose de son incroyable énergie, comme s'il était paralysé par son désir de reconnaissance par les branchés et les élégants, représentés à ses côtés par son épouse. Sarkozy, pour Buisson, est d'abord l'histoire d'un talent gâché, d'une immense déception. C'est l'histoire d'un homme qui aurait préféré l'agitation à l'action, en confondant l'hyperactivité médiatique et le travail de fond. Il n'aura pas su saisir la part sacrée du politique, la symbolique sacrificielle du pouvoir. Le pouvoir devait le conduire dans la jet-set mondiale où il jouirait, enfin riche, de son ascension sociale parfaitement réussie.

    On le sait, Patrick Buisson a été grand stratège du sarkozysme électoral en 2007, c'est-à-dire d'une campagne misant sur la transgression du politiquement correct en mettant de l'avant la notion d'identité nationale, longtemps concédée par la droite «républicaine» à la droite populiste. Buisson en était convaincu: il fallait mener la guerre culturelle à une gauche depuis trop longtemps hégémonique dans le monde des idées. Mais cette notion n'avait rien d'un hochet rhétorique chez lui. Au contraire, à travers elle, il était possible de renouer avec la part conservatrice de la droite et plus fondamentalement, de sortir d'une vision strictement économique de l'homme, qui passe souvent pour la seule rationnelle, surtout à droite, où on croit répondre aux besoins de l'âme humaine avec une approche strictement comptable. L'identité nationale ouvrait, pour Buisson, sur la part symbolique et anthropologique de la communauté politique: cette part, qui se dérobe à l'artificialisme sociologique, est probablement la plus importante. L'identité nationale permettait de faire une brèche dans une mythologie progressiste glosant sans cesse sur les valeurs républicaines pour mieux occulter l'identité historique de la France.

    C'est cette part que Buisson cherchera à mettre de l'avant pendant cinq ans, en invitant Nicolas Sarkozy à se l'approprier. Qu'il s'agisse de la question de l'autorité de l'État, de l'immigration ou des questions sociétales, Buisson revient toujours à la charge en rappelant une chose fondamentale: le peuple français fait une expérience pénible de sa désagrégation: ce constat est vrai pour l'ensemble des peuples occidentaux. Il voit ses symboles s'égrener, ses repères se brouiller, son identité s'émietter. Il se sent de plus en plus devenir étranger chez lui. Ses aspirations profondes sont étouffées, et mêmes déniées. On les présente comme autant d'archaïsmes ou de phobies alors qu'il s'agit d'invariants anthropologiques que la civilisation avait traditionnellement prise en charge et mise en forme. La vocation du politique, nous dit Buisson, est d'abord conservatrice: il s'agit de préserver une communauté humaine, qui est une œuvre historique vivante, et non pas toujours de la réformer pour l'adapter à la mode du jour. Il y a dans le cœur humain un désir de permanence qu'on doit respecter. Lorsqu'on le nie, on pousse l'homme à la solitude extrême, puis à la détresse.

    Buisson souhaite reconstituer le peuple français, et pour cela, il croit nécessaire de renouer politiquement avec lui. Alors que les élites ne savent plus défendre une souveraineté de plus en plus vidée de sa substance, il faut aller directement au peuple pour reconstituer une véritable puissance publique. C'est en puisant directement dans la légitimité populaire que Buisson entend régénérer le pouvoir, le déprendre des nombreuses gangues qui l'enserrent comme le droit européen ou international ou encore, les nombreux corporatismes qui entravent la poursuite de l'intérêt général. Mais, ajoute-t-il, la gauche ne pense pas trop de bien de ce retour au peuple, puisque depuis très longtemps, elle se méfie des préjugés du peuple, qui se montre toujours trop attaché à ses coutumes: elle rêve d'une démocratie sans le peuple pour la souiller de ses mœurs. C'est l'histoire du rapport entre le progressisme et le peuple dans la modernité. Dans le cadre de la campagne de 2012, Buisson cherchera quand même à convaincre Nicolas Sarkozy de miser sur une politique référendaire qui pourrait faire éclater le dispositif annihilant la souveraineté. Il n'y parviendra pas vraiment, même s'il poussera le président-candidat à renouer avec une posture transgressive.

    Mais un peuple n'est pas, quoi qu'en pensent les théoriciens des sciences sociales, une construction artificielle qu'on peut créer et décréer par décret. Et c'est en puisant dans son histoire qu'il peut renaître, en retrouvant ses racines les plus profondes. L'histoire est chose complexe: les formes qu'elle a engendrées peuvent se métamorphoser, renaître, et c'est dans cette optique que Buisson revient sur la question des racines chrétiennes de la France. Formée dans la matrice du christianisme, la France s'est couverte au fil de l'histoire d'églises, avant de les déserter assez brutalement au vingtième siècle - il faut dire qu'on a aussi cherché violemment à lui arracher ses racines chrétiennes avant cela. Dans un monde marqué par l'esprit de conquête d'un certain islam, par une immigration massive et par une déliaison sociale de plus en plus brutale, la France est prête à se réapproprier son héritage chrétien à la manière d'une «ressource politique immédiatement disponible» (p.322). Le catholicisme s'offre non plus nécessairement comme une foi mais comme une culture ayant permis aux Français d'accéder à la transcendance et vers laquelle ils peuvent se retourner à la manière d'une identité civilisationnelle.

    On me pardonnera de le redire, mais on aurait tort de voir dans cet ouvrage essentiel une bête charge contre un homme désaimé. En fait, quiconque recense La cause du peuple est condamné à ne rendre que partiellement compte de l'exceptionnelle réflexion qui s'y trouve. Buisson, en fait, fait le portrait de la misère d'une époque qui a le culot de se croire presque irréprochable alors qu'elle pousse les hommes à la misère affective et spirituelle et finalement, à une solitude si violente qu'elle représente peut-être la pire misère qui soit. En creux, il formule un programme de redressement qui est moins fait de mesures ciblées que d'un appel à renouer avec une idée de l'homme autrement plus riche que celle qui domine en modernité avancée: il n'y aura pas de réforme politique sans réforme intellectuelle et morale, dirait-on. L'homme politique ne doit plus voir devant lui une société flottant dans un éternel présent où se meuvent des individus bardés de droits mais un peuple historiquement constitué. Et il doit moins se présenter comme un habile gestionnaire du présent que comme un homme incarnant le passé, le présent et l'avenir d'une civilisation.

    Si Nicolas Sarkozy savait parler et faire de bons discours, il ne savait finalement pas incarner sa fonction et encore moins son pays. À lire Patrick Buisson, c'était un comédien de talent qui n'avait pas de vocation sacrificielle. Buisson a échoué a en faire le grand homme qu'il aurait peut-être pu être. Pouvait-il en être autrement? On comprend pourquoi la figure du général de Gaulle hante les pages de La cause du peuple. Mais il ajoute: «de n'avoir pas réussi la mission que je m'étais donnée ne prouve rien. D'autres, je le sais, viendront après moi pour dire et redire que ne font qu'un la cause du peuple et l'amour de la France» (p.442). Un pays dure tant que dure dans le cœur des hommes le désir qu'il persévère dans son être: la flamme de la résistance doit toujours être portée pour un jour le faire renaître mais il arrive qu'ils soient bien peu nombreux à la maintenir. Ce qui habite Patrick Buisson, manifestement, c'est l'espérance d'une renaissance française.

    La cité a quelque chose de sacré: à travers elle, l'homme fait l'expérience d'une part essentielle de lui-même, qui le transcende, qui le grandit, qui l'anoblit. «Aimer la France, dit-il, ce n'est pas aimer une forme morte, mais ce que cette forme recèle et manifeste d'impérissable». Et Buisson ajoute: «Ce n'est pas ce qui mourra ou ce qui est déjà mort qu'il nous faut aimer, mais bien ce qui ne peut mourir et qui a traversé l'épaisseur des temps. Quelque chose qui relève du rêve, désir et vouloir d'immortalité. Quelque chose qui dépasse nos pauvres vies. Et qui transcende notre basse époque. Infiniment» (p.442-443). La cité est gardienne d'une part de l'âme humaine et elle ne saurait bien la garder sans un véritable ancrage anthropologique. Mais elle ne saurait, heureusement, se l'approprier complètement et il appartient aux hommes qui croient à la suite du monde de la cultiver, d'en faire le cœur de leur vie, pour transmettre ce que l'homme ne peut renier sans se renier lui-même, pour honorer ce qu'on ne saurait oublier sans s'avilir intimement.

    Mathieu Bock-Côté (Figaro Vox, 18 octobre 2016)

    Lien permanent Catégories : Livres, Points de vue 0 commentaire Pin it!
  • L’esprit de la Ve république miné par les primaires...

    Nous reproduisons ci-dessous entretien avec Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire et consacré à la prochaine élection présidentielle et à ses préparatifs...

    Directeur de la revue Krisis , dont le dernier numéro est consacré à la question du progrès, et éditorialiste de la revue Éléments,  Alain de Benoist a récemment publié Survivre à la pensée unique (Krisis, 2015), un recueil de ses entretiens avec Nicolas Gauthier.

    Alain de Benoist 2.jpg

     

    Alain de Benoist : « Les primaires sont contraires à l’esprit de la Ve république »

    Primaires à droite, primaires à gauche : les médias ne parlent plus que des primaires. À l’origine, ce système nous vient des USA. Importation en nos contrées d’un énième gadget idéologique ?

    C’est, en effet, un modèle qui, comme tant d’autres choses, a été copié des États-Unis – et, bien entendu, d’abord par le Parti « socialiste ». Auparavant, on ne connaissait les « primaires » qu’au sens psychologique, pour désigner les tempéraments à réactivité immédiate (il y a beaucoup de primaires à droite), par opposition aux « secondaires », qui prennent le temps de réfléchir. Mais parler de « gadget », c’est trop peu dire. Le recours aux primaires marque un tournant dans la politique française, et ce tournant est détestable. Comme l’a récemment rappelé Henri Guaino, les primaires sont totalement contraires à l’esprit de la Ve République, qui définit l’élection présidentielle comme la rencontre directe du peuple et d’un homme (ou d’une femme) le plus possible affranchi du poids des partis. Un parti peut, certes, soutenir un candidat, mais quand ce candidat n’est plus que le représentant du parti qui le soutient, on sort du modèle qu’avait souhaité le général de Gaulle.

    Les primaires démontrent qu’il n’y a aucun « candidat naturel » dans le parti qui les organise. En aiguisant la concurrence des ego, elles créent des tensions et des déchirements qui pèseront sur l’avenir (souvenons-nous du duel Balladur-Chirac au sein du RPR). Quoi qu’en disent leurs protagonistes, elles réduisent le débat politique à des querelles de personnes, la compétition à un concours de beauté, en même temps qu’elles confirment que les partis ne sont plus aujourd’hui que des écuries électorales. Avec les primaires, les « partis de gouvernement » s’efforcent de préserver leur monopole, alors qu’ils ne représentent plus maintenant que le cinquième ou le sixième du corps électoral. La combine des parrainages accentue cette dérive, puisqu’elle permet d’éliminer les candidats qui pourraient faire de l’ombre aux têtes d’affiche.

    Patrick Buisson, interrogé par Valeurs actuelles (dont le patron, Yves de Kerdrel, a été l’un des premiers adhérents du mouvement d’Emmanuel Macron : carte n° 007), déclarait : « Les primaires remettent à une minorité partisane le pouvoir de construire l’offre politique de la présidentielle, au lieu de laisser aux Français une entière liberté de choix. C’est le régime de la carte forcée […] Songez que le binôme Sarkozy-Hollande, dont quatre Français sur cinq ne veulent pas les candidatures, pourrait être investi de nouveau au terme de cette aberrante mystification ! » Deux Français sur trois estiment, en effet, que François Hollande et Nicolas Sarkozy ont été « aussi mauvais » l’un que l’autre après leur entrée à l’Élysée. Que penser de primaires qui n’aboutiraient qu’à repasser le plat du déjà-vu ?

    Nicolas Gauthier : Outre-Atlantique, les électeurs républicains votent aux primaires républicaines et les électeurs démocrates aux primaires démocrates. En France, tout le monde peut voter pour tout le monde. Petit souci de cohérence ?
    Alain de Benoist : Le système politique américain, fondé sur le bipartisme, est complètement différent du système politique français. Les primaires y sont nécessaires en raison du découpage du pays entre des États ayant chacun leur gouverneur et leur Sénat. De plus, outre-Atlantique, il n’y a qu’un tour pour les primaires et un tour pour la présidentielle. Les primaires à la française, elles, créent un scrutin à quatre tours ! En France, des électeurs de gauche pourront contribuer à désigner le candidat de la droite, ce qui est une absurdité ! Le fait que n’importe qui puisse participer aux primaires « de la droite et du centre », même s’il n’a aucune sympathie pour « la droite et le centre », les prive par avance de toute signification.

    Quelles différences, au fond, entre Juppé et Sarkozy ?
    La différence entre Juppé et Sarkozy est que Juppé a des idées détestables, tandis que le mari de Carla Bruni n’a pas d’idées du tout. Il n’a que les idées qu’il utilise dans l’espoir de maximiser le rendement de ses ambitions. Le livre de Patrick Buisson le démontre à la perfection, c’est un personnage absolument dénué de principes et de scrupules, quels qu’ils soient. Il est prêt à tout, car pour lui tout compte pour rien. Quand il dit que « l’identité n’est pas un gros mot », il pourrait aussi bien dire « bingo bidou pokémon » : dans les deux cas, cela ne signifie absolument rien.

    Mais ce qui m’étonne, c’est que personne ne pose la question de savoir si les candidats éliminés vont véritablement accepter de se soumettre ou s’ils ne vont pas chercher à se maintenir malgré tout. Si Juppé sort vainqueur de la compétition, j’ai du mal à imaginer Sarkozy faire voter pour lui après s’être engagé dans la campagne frénétique à laquelle il se livre actuellement. Si, à l’inverse, c’est Sarkozy qui est désigné, j’ai également du mal à imaginer que Juppé, qui sait bien qu’il effectue en ce moment son dernier tour de piste, appellera à voter pour l’ancien Président – d’autant qu’en ce cas, François Bayrou se portera lui aussi candidat. Et que se passera-t-il si les deux hommes maintiennent leur candidature ? Rien, décidément, n’est joué pour l’élection présidentielle de l’an prochain.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 5 octobre 2016)

    Lien permanent Catégories : Entretiens 0 commentaire Pin it!
  • Quand la France fait son retour dans l'OTAN en catimini...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Hadrien Desuin, cueilli sur le site de Causeur et consacré au discret retour de la France dans l'OTAN et son commandement intégré. Ancien élève de l'École spéciale militaire de St-Cyr, expert en géo-stratégie, sécurité et défense, Hadrien Desuin collabore aux revues Conflits et Causeur.

     

    Hollande_OTAN.jpg

    La France (définitivement) de retour dans l’OTAN

    Le protocole de Paris ratifié en catimini

    Il y a des hasards du calendrier qui font bien les choses. Tandis que le conseil des ministres franco-allemands se réunissait à Metz, c’est dans l’indifférence générale que, jeudi dernier, l’Assemblée nationale a adopté en seconde lecture le projet de loi gouvernemental relatif à la ratification par la France du protocole de Paris. Protocole qui depuis 1952 définit le statut des quartiers généraux militaires de l’Alliance atlantique et plus particulièrement de leurs personnels civils et militaires. Dénoncé en 1966 par le général de Gaulle quand la France s’était retirée du commandement intégré de l’OTAN, sa caducité avait contraint les troupes américaines à quitter le territoire hexagonal. C’est la procédure dite « accélérée » qui a été retenue pour cette restauration atlantiste en catimini. Selon la représentante du gouvernement qui s’exprimait dans un hémicycle dégarni, la signature de ce protocole proposera « un cadre attractif et cohérent à nos partenaires pour l’accueil de leurs personnels au sein de certaines structures militaires françaises ». Ce petit raccourci en forme de brochure touristique cache un revirement politique pas si anodin pour la gauche au pouvoir.

    Lorsqu’en 2008, Nicolas Sarkozy avait décidé de fermer la parenthèse gaullienne de la France en marge de l’Otan, il s’était heurté à une vive opposition parlementaire de la gauche. Le 3 avril 2008, François Hollande au nom du groupe socialiste avait déposé une motion de censure dont voici un extrait : « Nous nous opposons en second lieu à cette décision parce qu’elle a peu à voir avec l’Afghanistan et beaucoup avec l’obsession atlantiste du Président de la République et son projet de réintégrer la France dans le commandement de l’OTAN. En abdiquant son autonomie de décision militaire et stratégique dont tous les présidents de la Ve République ont été les gardiens, en abandonnant son combat pour le multilatéralisme, en oubliant ses ambitions d’un pilier européen de défense, la France perdrait sa liberté de choix dans le monde. Elle se retrouverait liée à une doctrine des blocs qu’elle a toujours récusée. »

    Huit ans plus tard, non seulement le gouvernement de François Hollande n’est pas revenu sur la décision de Nicolas Sarkozy mais il décide au contraire d’achever la mutation atlantiste de nos armées. Bien sûr, pour la représentante du gouvernement cet accord technique n’est qu’une formalité législative qui ne pose pas de problème politique. En gros, c’est un oubli de la majorité précédente qu’il était temps de rattraper. Circulez braves gens!

    « La ratification de ce protocole n’est pas une simple formalité », a pourtant estimé Bernard Debré. Selon un rapport de la commission de la Défense de l’Assemblée, le « protocole de Paris » pourrait concerner quatre sites en France : les quartiers généraux des corps de réaction rapide de Strasbourg, de Lille et de Toulon ainsi que le Centre d’analyse et de simulation pour la préparation aux opérations aériennes (CASPOA) installé à Lyon. Dans chacun de ces états-majors français, des officiers de l’OTAN vont pouvoir asseoir leur présence et ainsi s’immiscer un peu plus dans les activités militaires de la France. Sous couvert d’inter-opérabilité entre alliés, notre pays fusionne toujours un peu plus avec l’OTAN. Des états-majors aujourd’hui mais pourquoi pas des bases militaires demain? Au moment même où cette organisation, sous tutelle américaine, montre ses muscles face à la Russie, le protocole de Paris ne peut pas passer inaperçu.

    Ironie de l’Histoire, ce protocole  est ratifié alors que le gouvernement socialiste faisait mine de sceller la réconciliation franco-allemande dont le général de Gaulle fut un des bâtisseurs. Ce “moteur”, aujourd’hui quelque peu faiblard, avait pour objectif de contrebalancer le poids de l’Amérique en Europe. Déjà en 2009, le sommet franco-allemand de l’OTAN à Strasbourg-Kehl avait été l’occasion de mettre en scène le retour de la France au bercail atlantiste. Un retour en fanfare en échange de la promesse d’une relance de l’Europe de la défense. Or huit ans plus tard, ce fameux pilier européen de l’OTAN n’a jamais vu le jour. La poursuite de la réintégration complète de la France dans l’OTAN se fait donc plus discrète. Le bilan est accablant; en moins de dix ans l’organisation atlantique a coulé l’Europe de la Défense, absorbant ses derniers partisans. La France a bien obtenu quelques postes honorifiques d’état-major pour nos officiers généraux. Présenté comme l’un des deux grands commandements de l’OTAN, le chef de la transformation de l’OTAN (NACT) est désormais français. En réalité, ce titre ronflant n’est qu’un poste de réflexion et de contrôle de gestion. Créé en 2002, il n’a aucune responsabilité opérationnelle.

    Dans ces conditions, il n’est pas étonnant que le Parti socialiste n’ait pas fait de publicité à l’événement. Lors du vote, le perchoir a été élégamment laissé à Marc Le Fur, vice-président Les Républicains de l’Assemblée nationale. Claude Bartolone n’a pas considéré que cette commémoration, en forme de désaveu du cinquantenaire du retrait de la France du comité militaire intégré de l’OTAN, méritât sa présence. Histoire de noyer le poisson, la séance faisait côtoyer un texte sur le statut des autorités calédoniennes avec la réforme du système de répression des abus de marché. Le ministre de la Défense était retenu par ses fonctions. Ce qui l’a malheureusement empêché avec son collègue des affaires étrangères d’assister au vote de ce projet de loi fondamental pour l’organisation de nos armées. Et accessoirement de discuter avec la représentation nationale sur le nouveau positionnement de la France au sein de l’alliance atlantique. C’est donc Madame Ericka Bareigts, secrétaire d’Etat chargée de l’égalité réelle qui a eu l’honneur de porter la voix du gouvernement . Et puisque visiblement, son emploi du temps n’était pas surchargé, elle pouvait bien assurer quelques remplacements fortuits à l’Assemblée nationale. Faute d’homologue allemande sans doute, sa présence à Metz n’était pas indispensable. Un bel exemple d’égalité réelle. Mais ce petit arrangement d’agenda avait ses raisons que le féminisme ne connaît pas.

    Du côté de l’opposition, les ténors de la droite ont également brillé par leur absence. Jean-François Copé, Christian Jacob, François Fillon ou Henri Guaino n’ont pas eu le temps de se déplacer. De peur sans doute de raviver les mauvais souvenirs de 2009. Le groupe LR était d’ailleurs divisé sur la question. Bernard Debré s’est frotté à Jean-François Lamour pour qui le plein retour de la France dans l’OTAN constitue sans doute la fin de l’Histoire. Le Sénat, dominé par Les Républicains, avait d’ailleurs voté sans difficulté début mars le projet de loi du gouvernement socialiste. Il était difficile dans ces conditions d’élever le ton contre ce qui s’apparente à une triste mise en bière du gaullisme par ses héritiers. Pour Nicolas Dhuicq, député LR de l’aube, « c’est l’indifférence, l’amateurisme et l’inculture générale sur les questions de Défense » qui explique que ce dossier ait été traité à la légère de part et d’autre. L’éternelle croyance qu’on peut bâtir une Europe de la Défense dans le giron de l’OTAN.

    Hadrien Desuin (Causeur, 12 avril 2016)

    Lien permanent Catégories : Géopolitique, Points de vue 0 commentaire Pin it!
  • Une élection ordinaire...

    Les éditions Ring viennent de publier Une élection ordinaire, un roman politique de Geoffroy Lejeune consacré à l'élection présidentielle de 2017. Rédacteur en chef des pages politiques de Valeurs actuelles, Geoffroy Lejeune se fait-il à travers ce livre le porte-voix de Patrick Buisson, l'ex-éminence grise de Nicolas Sarkozy ? C'est possible... Mais d'ores et déjà, l'un des postulats du livre, le virage à gauche du FN, semble clairement remis en cause par la crise des "migrants", qui a vu ce parti revenir très fermement sur des "fondamentaux" qu'il avait un peu délaissé ces derniers temps. A lire avec curiosité, néanmoins...

     

    Une élection ordinaire.jpg

    " «Marine Le Pen est de gauche, Sarkozy est un traître, Hollande est mort. Il y a un espace pour toi, Éric. Tu dois y aller.»
    Patrick Buisson Mai 2016.

    La France s'apprête à élire son nouveau président.

    L'hostilité du peuple envers ses élites n'a jamais été aussi vive, la panique gagne toute la classe politique, les sondages se succèdent, catastrophiques. Minée par ses querelles personnelles, la droite est en lambeaux, et face à un Hollande qui espère être réélu, Marine Le Pen accentue son virage à gauche. Dans l'ombre, les couteaux s'aiguisent ; l'heure des changements de ligne et des trahisons a sonné.

    Dans ce jeu de massacre, un outsider émerge. Sa candidature à la présidence recueille les sarcasmes mais très vite, Éric Zemmour devient le porte-voix d'un peuple prêt à faire sécession. Chaque petit point grappillé dans les intentions de votes fait affluer vers lui revanchards, déçus et révolutionnaires. Cette coalition hétéroclite venue des quatre coins de la droite va tenter un coup d'État démocratique.

    Verbatim assassins, secrets inavouables, haines recuites et affrontements idéologiques : fruit de deux ans d'enquête et de centaines de confidences recueillies, Une Élection ordinaire nous entraîne au coeur des coulisses interdites du pouvoir. "

    Lien permanent Catégories : Livres 0 commentaire Pin it!
  • « Nous ne sommes plus à l’époque où le FN n’était qu’un parti contestataire marginal »...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire et consacré à la question de la violence...

    alain de benoist,turbocapitalisme,hollande,taubira,révolution

     

    « Nous ne sommes plus à l’époque où le FN n’était qu’un parti contestataire marginal »

    BHL l’a dit : « L’union nationale, c’est le contraire de la France aux Français. » Après la manifestation du 11 janvier, l’unité nationale semble être de mise. Mais à quoi peut rimer une union nationale lorsque le Front national, premier parti de France aux dernières élections européennes, en est exclu ?

    De même que tout unanimisme est suspect, parce qu’on ne peut jamais ramener à l’unité la diversité des opinions et des aspirations, de même le thème de « l’union nationale » est-il toujours mystificateur, et pour la même raison : il s’énonce dans l’ordre du général, mais c’est toujours au profit d’un particulier. Cela dit, votre question me paraît naïve. Car si l’on parle aujourd’hui d’« unité nationale », ce n’est pas malgré l’exclusion du FN, mais bien au contraire pour la justifier. Bernard-Henri Lévy l’a dit sans fard dès le 8 janvier : « L’union nationale, c’est le contraire de la France aux Français. » Ce n’est donc qu’une reformulation de la thématique du « front républicain » ou, si l’on préfère, la version élégante de la formule « UMPS », en même temps qu’un appel à resserrer les rangs face à la montée d’un parti dont François Hollande n’hésite pas à dire qu’il ne respecte pas les « valeurs républicaines » (comprendre : libérales, atlantistes et « droits-de-l’hommistes »), afin de mieux défendre les privilèges de la classe dominante – au risque, ce faisant, de confirmer que la frontière entre le PS et l’UMP ne correspond plus à rien.

    Le chef de l’État l’a très bien compris, qui se réclame maintenant de « l’esprit de janvier ». Il sait que la marche des Charlie n’a rien été d’autre que la répétition de la grande manifestation anti-FN qui aura lieu au lendemain du premier tour de l’élection présidentielle si Marine Le Pen se retrouve au second. Cependant, l’idée était dans l’air depuis quelque temps. Le 26 mai 2014, Bernard-Henri Lévy – encore lui – avait déjà appelé, dans Le Monde, à la mise en place d’un « gouvernement d’union nationale ». Bien des hommes politiques rêvent aujourd’hui de la renaissance d’un « grand centre » à la Giscard, qui associerait aussi bien Juppé et Raffarin que Valls ou Macron. C’est une idée dont on n’a pas fini d’entendre parler.

    Et cela peut marcher ?

    Le problème, c’est que nous ne sommes plus à l’époque où le FN n’était qu’un parti contestataire relativement marginal, automatiquement exclu du second tour lors des consultations électorales. Aujourd’hui, non seulement il accède presque toujours au second tour, mais il y accède souvent en tête. La compétition entre les deux partis de gouvernement se joue dès lors dès le premier tour, et non plus au second. Or, cette donnée nouvelle fait en même temps obligation à l’UMP ou au PS, lorsqu’un de ces deux partis est éliminé à l’issue du premier tour, de faire voter au second pour celui qu’il combattait la veille, ce qui déstabilise son électorat, renforce son incrédulité et le convainc plus encore que la formule « UMPS » correspond bien à la réalité. Situation particulièrement inconfortable pour l’UMP, dans la mesure où elle se prétend dans l’opposition. Comment rester crédible quand, après avoir fait campagne contre la « désastreuse politique » du gouvernement, on demande à ses électeurs de voter pour ce gouvernement plutôt que pour le Front ? Adopter la tactique du « ni-ni » (« faire barrage au FN » tout en laissant aux électeurs leur liberté de choix) est à peine plus convaincant. Et c’est ainsi que l’UMP, qui était autrefois accoutumée à siphonner les suffrages du FN, devient maintenant son réservoir de voix.

    Tiraillée en tous sens, l’UMP n’a aujourd’hui plus aucune ligne directrice, et ses consignes deviennent de ce fait inaudibles. Nicolas Sarkozy s’est emparé du parti, mais il ne parvient pas à s’imposer. Son « grand retour » est d’autant plus compromis que les milieux d’affaires misent désormais sur Alain Juppé. Un tel parti est de toute évidence voué à éclater, ou à se désagréger, ce qui devrait faciliter, avant ou après 2017, la recomposition du paysage politique « centriste » autour d’un axe Juppé-Bayrou-Valls-Macron, d’orientation libérale-mondialiste et antipopuliste, dont les modalités restent à déterminer.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 10 février 2015)

    Lien permanent Catégories : Entretiens 0 commentaire Pin it!